Ils sont les Subsahariens, les indésirables, ceux que l’on réprime et que l’on enferme. Ils voient le Maroc comme une étape ou un point d’arrivée. Tous sont retenus, voire détenus, selon un système officieux mais exécuté à la vue de tous.
Timothy claque la porte de son appartement de Bab Chellah, quartier de Rabat. 19 heures. Il est en route pour l’épicerie, mais le cours de sa vie est brusquement suspendu quand il croise la main de ce policier. Soudain, elle l’agrippe par l’épaule puis par la poitrine en tenant sa veste. Sa liberté prend fin. Ce 21 mars 2019, Timothy est arrêté, enfermé puis déplacé. Timothy n’est pas très grand, plutôt mince, très souriant. Sa tête est ornée de courtes dreadlocks désordonnées et sa peau est noire. À la fois, ému et enjoué, il se souvient et raconte.
Assis au fond du bus, il fixe son regard sur le paysage qui se déroule sous ses yeux. L’ocre et le rouge marocains se mélangent aux couleurs fades et grisâtres de l’autoroute. À côté de lui, Karim, un Marocain arrêté pour avoir manifesté. Timothy ne sait pas où ils se trouvent, encore moins où ils se rendent. « On va en prison, je pense. Il y a une grosse prison à côté de Casablanca », lui lance Karim. Trois heures plus tard, ils arrivent, enfin. Leur point d’arrivée se nomme Beni Mellal. Le bus s’arrête, les dépose et repart. Autour d’eux, plusieurs épiceries. Derrière, un homme fume tranquillement sa cigarette. Des passants vaquent autour de la gare. Aucun policier à l’horizon, simplement le calme de la nuit. « Il n’y avait rien de particulier dans cet endroit, explique Timothy. C’était le Maroc tel que je le connaissais. » Une fois descendu du bus, chacun prend des chemins séparés. À 300 kilomètres de Rabat, Timothy, homme noir et citoyen américain, vient d’être déplacé par les autorités marocaines.
Lire la suite dans le numéro papier du journal Le Soir du 19 août 2020